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Le spiritisme n'est pas une religion
Posté le 19 Septembre 2016 par Jacques Peccatte
sur www.spiritisme.com
Le spiritisme a souvent été considéré comme une religion, et depuis sa naissance avec Allan Kardec, la question fait encore débat dans certains milieux spirites où l’on dit qu’Allan Kardec lui-même n’avait pas totalement tranché la question en fonction du contenu sémantique que l’on pouvait donner au mot religion.
Est-ce que religion signifie relier et réunir autour d’une idée ou bien s’agit-il surtout de croyances qui s’opposent à la raison ? Pour notre part, nous en sommes arrivés aux notions les plus simples, en définissant les concepts à partir de leur contenu le plus communément utilisé. En religion, sont admises les notions de croyance et de foi indépendamment de toute tentative d’analyse logique et raisonnée.
Ainsi par exemple, en catholicisme, le mystère de la Sainte Trinité ou la résurrection de Jésus sont des concepts qui font appel à la croyance dans la mesure où par essence ils sont et resteront inexplicables, posant un défi à la raison qui ne peut être résolu que par la foi.
A l’inverse, en matière de spiritisme, le mystère ne peut rester sans explication, et c’est à partir d’une approche scientifique, philosophique et historique que progressivement de nouvelles thèses ont pu surgir pour rendre intelligible ce qui était obscur. C’est en particulier par l’étude de l’histoire de l’Église que bon nombre de principes religieux ont pu être décryptés. A différentes époques, des dogmes ont été institués, venant souvent contredire ce qui était admis précédemment, dogmes institutionnalisés par des hommes d’Église et dont on prétendait parfois qu’ils étaient inspirés par un souffle divin.
L’histoire de l’Église, c’est en fait l’histoire de dogmes successifs qui, la plupart du temps, contredisent la raison ; ils deviennent alors objets de foi, ils ne sont donc admissibles que par la foi.
LA FOI OU LA RAISON
C’est donc ce point qui devient essentiel dans le débat posé : le religieux est dépendant de la foi, tandis que le philosophique s’appuie sur la raison. Et en ce sens, le spiritisme permet de se dissocier de la croyance dans la mesure où certains de ses principes obéissent à des lois que l’on peut décrire, expliquer, analyser, voire prouver, soit de façon expérimentale, soit de façon philosophique. Il restera cependant une petite part faisant appel à la foi, c’est celle d’un présupposé concernant l’existence de Dieu.
Un personnage d’obédience matérialiste par exemple, s’appuie sur le postulat de la non existence de Dieu, ce en quoi il engage un acte de foi, la foi en une certitude athée qu’il va ensuite s’ingénier à démontrer par la science, l’analyse et le raisonnement.

De la même façon, le spiritualiste et en particulier le spirite, va poser son propre postulat de départ, celui de l’existence de Dieu ; c’est alors un pari (comme celui de Pascal) qu’il lui faut ensuite démontrer. Pour ce faire, il va se servir d’arguments et établir des raisonnements qu’il estime plus convaincants que ceux des nihilistes. Ces arguments sont déjà amplement contenus dans Le Livre des Esprits d’Allan Kardec, arguments encore renforcés par le fait que les Esprits eux-mêmes sont venus confirmer à la fois leur survie et la réalité d’une force divine infinie et créatrice de toute chose.
Il faut là évidemment un autre présupposé, celui de la manifestation effective d’Esprits dont on a pu établir la réalité à partir de l’étude de la médiumnité et des preuves apportées.
Par cette étude réalisée en spiritisme et en tout premier lieu par Allan Kardec, on découvre de nombreux arguments d’une grande force. Lorsque Allan Kardec, utilisant les réponses des Esprits, définit les attributs de Dieu, à la fois dans Le Livre des Esprits et dans La genèse selon le spiritisme, il reprend certains principes contenus dans les évangiles, et il les explicite, non plus dans un acte de foi, mais avec des arguments philosophiques qui sont le prolongement de propos tenus par les Esprits au travers des médiums. Et c’est alors qu’il peut se distancier du fait religieux, tout en venant confirmer certains aspects d’une morale chrétienne bien comprise, et à la fois réfuter certains dogmes. C’est ainsi que les mystères de la religion sont élucidés comme par exemple, «la résurrection du Christ» qui n’est plus un miracle venant contredire la raison mais la manifestation fantomatique et tangible de l’esprit de Jésus, phénomène devenu compréhensible à partir des observations spirites concernant les apparitions matérialisées et la médiumnité à ectoplasmie.
Autre mystère : ce personnage considéré comme prophète ou Messie, serait l’incarnation de Dieu fait homme, concept entériné lors du concile de Nicée en 325 (consubstantialité entre le père et le fils) et un peu plus tard avec l’adoption de la Sainte Trinité, au premier concile de Constantinople (381), incluant la divinité du Saint Esprit. L’étude spirite sur ce point a permis dans une meilleure logique de conclure à l’incarnation d’un esprit de grande évolution qui, proche de la perfection d’un esprit pur, est venu porter un message d’essence divine auprès des hommes de son temps, un message qui a cependant traversé les siècles parce que porteur d’une idée essentielle, celle de l’amour du prochain. Cette conclusion, confirmée également par des Esprits, a permis d’apporter une explication logique en accord avec la raison, préservant le côté exceptionnel d’un prophète sans pour autant lui attribuer le caractère de la divinité qui lui fut octroyé par le principe de la Sainte Trinité.
LA THÉOLOGIE ET LE DOGME
Bien d’autres dogmes ont été décrétés au fil des siècles, constituant un corps de doctrine ou une théologie, n’ayant plus le caractère de la philosophie, dans la mesure où un bon nombre des principes qu’elle contient dépend d’une croyance aveugle, ce que certains appellent la foi du charbonnier, une foi permettant de croire à des réalités en soi impossibles. Là où la compréhension n’est plus possible, on émet un acte de foi permettant de se dispenser d’explications logiques qui seraient introuvables.
L’Église, depuis deux mille ans, a institué un bon nombre de dogmes comme l’Immaculée Conception, énonçant «que la conception de la Vierge Marie dans le sein de sa mère, n’a pas été marquée par la tache du péché originel», ce qui fut entériné par le pape Pie IX en 1854. Ce dogme ne doit pas être confondu avec celui de la virginité de Marie, déjà indiqué dans les évangiles et qui fut admis par la majorité des Pères de l’Eglise. Il existe également la virginité perpétuelle (Marie restée vierge après la naissance de Jésus) proclamée lors du deuxième concile de Constantinople en 553.
L’Église a également institué des sacrements répondant à des nécessités sociales comme le mariage ou à des besoins plus spirituels comme le baptême, l’eucharistie, l’extrême-onction ou la remise des péchés par la confession. S’il s’agit bien de théologie, c’est-à-dire de principes institués par des hommes d’Église, c’est aussi sans doute la preuve que l’humain a un besoin de spiritualité. Ce besoin a été satisfait jusqu’alors par la croyance, par le dogme et par le rite. Cela peut suffire à certaines personnes, mais laisser d’autres dans la frustration. Ce en quoi le spiritisme a eu pour vertu d’expliquer l’incompréhensible, apportant d’autres notions jusqu’alors mal définies comme la manifestation des Esprits et leur réincarnation dans une continuité évolutive. Cette réincarnation fut d’ailleurs contenue dans le fait religieux dans plusieurs cultures préchrétiennes, et définitivement abrogée en 553 (Constantinople) quand fut condamnée la préexistence de l’âme selon Origène (185-253) ainsi que sa croyance en la réincarnation.
La croyance en des vies successives a surtout été la particularité des traditions orientales du brahmanisme puis du bouddhisme et de l’hindouisme. Là encore, même si le principe en lui-même est confirmé par voie spirite, il sort des croyances simplistes pour entrer dans une explication plus logique qui nous éloigne des notions caricaturales du karma punitif ou de la métempsychose.
LE SPIRITISME, CONTINUITÉ DU CHRISTIANISME ?
C’est du point de vue moral en particulier qu’Allan Kardec a relié entre elles trois révélations successives dans le temps : celle de Moïse indiquant un code moral dans ses commandements, la parole de Jésus venant compléter celle de Moïse, et enfin la révélation spirite qui vient apporter toute la lumière à partir de la manifestation de l’au-delà. Ce principe de continuité spirituelle, s’applique à une histoire spécifiquement judéo chrétienne qui passe également par l’influence philosophique de la Grèce. Ce principe dit de troisième révélation, ne doit cependant pas ramener au religieux et mettre en exergue une religion plus qu’une autre. Toutes les religions du monde, si elles ont eu leur raison d’exister et leur nécessité d’un point de vue spirituel, ont également (ou ont eu) des défauts d’envergure, les défauts de la nature humaine conduisant à la domination, à la guerre, à la persécution ou à l’inquisition. Il n’y a donc pas, à notre sens, une tradition religieuse qui soit supérieure à une autre, sauf à y regarder très ponctuellement : nous pourrions dire par exemple qu’aujourd’hui, les orientations du pape actuel sont beaucoup plus progressistes que celles des prêcheurs américains pseudo-protestants (Evangélistes, Adventistes, Pentecôtistes et autres).
Concernant les religions qui n’appartiennent pas à notre culture occidentale, que sont principalement le bouddhisme, l’hindouisme et l’islam, il nous est plus difficile d’en juger étant donné les différences culturelles faisant que nos critères d’appréciation sont différents. Mais il devrait cependant y avoir des données universelles qui effacent les différences. Et parmi ces données, l’une pose encore un vrai problème, c’est l’idée de séparation entre la pratique religieuse et les affaires temporelles de l’organisation des sociétés, c’est la fameuse question de la laïcité. Cette question n’est évoquée dans aucun des grands textes fondateurs des religions, et c’est même plutôt ces écrits qui éloigneraient de la laïcité, sauf à cet endroit précis de l’évangile où Jésus répond aux pharisiens : «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.»
Les spirites, pour leur part, ont apporté leur tribut à cette nécessaire séparation entre le religieux et le politique, lorsque certains d’entre eux s’engageaient dans la Ligue de l’enseignement, militant pour une école laïque, non confessionnelle, gratuite et obligatoire. C’étaient les Pierre-Gaétan Leymarie, Camille Flammarion, Léon Denis, Emmanuel Vauchez et quelques autres, qui dans la continuité du pédagogue Hyppolite Rivail devenu Allan Kardec, poursuivaient les grands idéaux hérités du siècle des Lumières et de la Révolution française, pour que l’organisation sociale de l’instruction publique soit résolument dissociée du fait religieux. En ce sens, on peut affirmer que le spiritisme, déjà détaché du religieux en tant que science et philosophie, s’en est détaché également du point de vue de la laïcité s’inscrivant d’emblée dans la modernité.
Bien évidemment, laïcité ne signifiera pas que l’on doive oublier la spiritualité au sein de la vie sociale. Ce principe établit simplement que dans une société de progrès, toutes les religions ont leur légitime droit d’expression, mais aucune d’entre elles ne doit dicter la loi civile ni aucun des principes de vie en société. Car, cela reviendrait aux théocraties du passé, voire aux pouvoirs de l’Inquisition qui, cependant, se perpétuent en d’autres contrées pour le malheur de tous, mais qui devront à terme nécessairement disparaître si l’on veut réellement envisager un progrès sur Terre, un progrès qui serait d’une réelle portée, non plus religieuse, mais spirituelle.
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