L'Education
Face à une société qui évolue
Michèle Bourgeois
Les Grandes Questions de Société
Journal spirite n° 106
Un peu d'histoire
Si l'histoire de l'éducation, en Occident, remonte à la Grèce antique avec les écoles de philosophie ( Thalès, Parménide, Platon ) ou la création du Lycée par Aristote, deux clichés nous viennent à l'esprit: celui de Charlemagne qui inventa l'école et celui de Jules Ferry qui la rendit obligatoire.
Longtemps réservée à une élite ( jusqu'à la Renaissance ), l'instruction a fini par trouver , au fil du temps, une certaine forme de démocratisation qui a toujours été sujette à débats et à controverses.
Jusqu'au XIXème siècle, l'enseignement primaire était rudimentaire, peu répandu et surtout inorganisé. Les enfants du peuple s'élevaient dans les champs, dans la rue et souvent dans la misère. Peu apprenaient à lire. Et même au siècle des Lumières, on redoutait que le fils du laboureur, une fois instruit, ne se détourne des champs ...
Voltaire ( 1694 - 1778 ) écrivait encore qu'il était " essentiel qu'il y est des gueux ignorants ".
On ne parlait d'éducation et de pédagogie que dans les milieux favorisés. Les fils de la noblesse et de la bourgeoisie recevaient une éducation domestique dispensée par un précepteur. D'autres se trouvaient enfermés dans des institutions closes de hauts murs avec des cours étroites. Les dortoirs étaient sombres, les salles de classes étaient obscures et strictes. Les élèves, tenus en brides, grandissaient dans la contrainte, soumis à une discipline sévère. La crainte du châtiment, les formules dictées, la routine et la culture de la mémoire régnaient en maître et formataient les enfants de bonne famille à soutenir leur rang.
L'instruction, réservée aux garçons, est restée longtemps sous l'influence de la religion. Les filles n'ont eu accès à l'éducation qu'à partir de 1880 ( loi Camille Sée ).
En France, en 1881, les lois Ferry instituent, non pas l'école obligatoire mais l'instruction gratuite et obligatoire. Chaque communauté ouvre alors une école, pour que les enfants apprennent à lire, à écrire, et à compter. L'école républicaine ( laïque ) côtoie alors les institutions religieuses d'obédiences catholique, jésuite, protestante, ...
Aujourd'hui, l'école, sous la tutelle de la République ( Education Nationale ), est réglée et organisée selon des schémas encadrés et très limités pour cause d'enjeux politiques, sociaux, idéologiques et culturels. Mais cette école est aussi devenue un véritable musée, oubliant sa fonction première qui était d'apprendre à l'enfant à devenir un homme. Albert Camus disait: " L'école prépare les enfants à vivre dans un monde qui n'existe pas."
Les critiques du système éducatif prédéfini
A chaque époque, des philosophes comme Rabelais ( vers 1494 - 1553 ) ou Montaigne ( 1533 - 1592 ) se sont insurgés face à l'autorité absolue et la brutalité du maître. Puis, Jean-Jacques Rousseau ( 1712 - 1778 ) a prôné un plus grand respect de l'enfant. Il a écrit un traité portant sur l'art de former les hommes intitulé " L'Emile ou de l'Education "
( publié en 1762 ), qui demeure encore un ouvrage de référence dont de nombreux pédagogues se sont inspirés.
L'éducation selon Jean-Jacques Rousseau
Rousseau pense que l'enfant, dès sa naissance est pourvu d'une grande bonté, d'une innocence parfaite et d'une droiture originelle corrompues par l'homme et la société.
Il refuse les précautions et les punitions excessives. Il propose l'enseignement de la liberté et des jeux bien choisis, propres au développement physique de l'enfant, sans lui parler d'obéissance, sans prétendre corriger en lui les mauvais penchants. Le maître devait alors montrer à l'enfant comment se sentir dans la dépendance des choses et non dans celle des hommes. Il devait lui apprendre à reconnaître ses faiblesses et la sphère d'actions dans laquelle il pouvait se développer.
Il contribuait à exciter sa curiosité et aussi à le rendre attentif aux phénomènes de la nature.
Plaçant les sciences naturelles et l'astronomie au premier rang de l'apprentissage, l'enseignant invitait l'enfant à regarder le ciel étoilé, un lever et un coucher de soleil pour comprendre le sens de la vie. Il devait lui laisser découvrir la vérité. Rousseau a écrit: " Il ne s'agit pas de savoir ce qui est, mais seulement ce qui est utile."
Ses préceptes d'éducation sont restés indémodables. Ils influencent bien des pédagogues et sont encore appliqués dans de nombreux pays.
Pestalozzi ( 1746 - 1827 ), précurseur d'une éducation nouvelle
C'est après la lecture de " L'Emile " que Jean-Henri Pestalozzi, pédagogue suisse, comprend que la solution au problème social passe par la rénovation de l'éducation.
Il considère que les aptitudes mentales de l'enfant se complexifient progressivement et que l'influence de la mère reste fondamental pour le jeune enfant. Ensuite l'école avec l'apprentissage des mathématiques et du dessin, entre autres, lui permet de passer à une sphère plus vaste pour l'épanouissement de ses capacités. Il place alors l'enfant au cœur de l'action éducative qui fait de lui l'acteur de son apprentissage.
Sa méthode est basée sur l'intuition. Ici, le maître montre le chemin mais laisse l'enfant avancer dans ses expériences, lui laissant le temps de manipuler, toucher, triturer pour ainsi découvrir son autonomie.
Il considère que l'observation et l’exercice précèdent la théorie. " La science, c'est d'abord une question de curiosité ... Il ne faut jamais commencer par les réponses, toujours par les questions. "
Il pense également que l'éducation scolaire doit être complétée par un enseignement agricole et professionnel permettant ainsi d'illustrer la théorie par la pratique.
Pestalozzi ouvre ses écoles aux plus pauvres. Il est précurseur dans de nombreux domaines: classes à niveaux, cycles d'enseignements, coopération dans la classe, pédagogie différenciée, évaluation formative et enseignement bilingue.
Hippolyte Rivail, celui qui sera le fondateur du spiritisme sous le nom d'Allan kardec, fréquentera l'école de Pestalozzi, à Yverdon en Suisse. Et il deviendra à son tour pédagogue, proposant plusieurs traités innovants.